The Good Business
Connue comme le bout du monde pendant l’antiquité, puis terre d’accueil pour les têtes d’affiche de la beat generation et celles du rock, Tanger s’est essoufflée dans les années 80 avant de signer un retour fracassant, économique et touristique.
Accompagné par Fouad Brini, Président de la Tanger Med Special Agency (TMSA), qui gère le port de la ville et sa zone industrielle, The Good Life s’offre un tour du propriétaire. Tanger Med, vaste projet portuaire initié par le Roi Mohammed VI en 2004 dont la construction s’est achevée en 2007, fête ses 10 ans. Et les résultats sont impressionnants ! 50 millions de tonnes de fret en sont parties et 3 millions de conteneurs y circulent tous les ans. En zone franche, la fiscalité du port, en plus de sa localisation idéale sur le détroit de Gibraltar, intéresse les compagnies et opérateurs comme APM Terminals et Eurogate. Idem pour les 1600 hectares de zone industrielle qui l’entourent. Renault y a par exemple installé une usine en 2012 d’où sont déjà sortis plus d’un million de véhicules. C’est le cas aussi pour Daher, Siemens… La proximité des entrepôts facilite le lien entre la machine et le bateau pour l’export, c’est ce qui séduit les grands groupes. En 10 ans, le port de Tanger Med est devenu le premier d’Afrique, et ce n’est pas terminé.
Le port et la zone industrielle ont ainsi aidé la création de 60 000 emplois directs, faisant passer Tanger à la deuxième place du classement des hubs économiques du Maroc, derrière Casablanca. Le complexe portuaire a aussi attiré de nombreux nouveaux habitants – la plus forte croissance démographique du pays, + 3% en moyenne par an entre 2004 et 2014 – ; la cité se classe troisième en matière de population devancé par cette même Casa et Fès. Aujourd’hui, la région Tanger-Tétouan compte 3 157 000 habitants, contre 2 500 000 en 2004. La ville de Tanger, à elle seule, dépasse le million depuis 2015. Découlent directement de cet influx des centaines de projets immobiliers, que l’on croise partout sur la route. Un impact direct de Tanger Med, dont se félicite Fouad Brini, avant de nous donner plus de détails sur l’avancée des travaux de l’extension de la zone. « L’inauguration de Tanger Med 2 est prévue pour 2019, on passera d’une capacité de 3 à 9 millions de conteneurs, avec la possibilité de devenir le plus grand port du bassin méditerranéen, et top 20 mondial. » Pour un tel résultat, le Royaume a mis les moyens : quatre milliards d’euros de fonds publics investis pour le projet, qui s’ajoutent aux quatre milliards d’investissements privés.
Le tourisme, un autre enjeu pour Tanger
En 2016, les autorités marocaines décidaient de l’ouverture du pays aux touristes chinois, en les exemptant de visas. Un an plus tard, ils sont 90 000 à avoir visité le pays. Un chiffre qui n’a rien d’impressionnant, à moins de le mettre en perspective avec ceux de 2015. Il y a deux ans, le Royaume n’avait vu passer que 12 000 Chinois. A ce rythme-là, l’office du tourisme espère en attirer un million par an d’ici 10 ans. Et Tanger compte bien en profiter ! Si on y ajoute les Russes, de plus en plus nombreux, et une augmentation du tourisme dans la ville (+ 9 % de nuitées entre 2015 et 2016, et + 11 % d’arrivées constatées à l’aéroport sur la même période, plus forte croissance du pays), ainsi qu’une réputation de plus en plus solide auprès des voyageurs branchés, Tanger a de quoi être optimiste dans sa course au tourisme.
Ce nouvel essor est le résultat, encore une fois, d’un changement de politique. Las, peut-être, de voir son pays réduit au duo Marrakech – Agadir, le Roi Mohammed VI était conscient du fait que le tourisme avec 5 % de parts dans l’économie nationale avait un rôle plus important à jouer. Il a alors décidé d’investir dans la promotion de huit « territoires ». Une somme rondelette, dont on ne connaîtra pas le montant, est alors confiée à l’Office National Marocain du Tourisme (ONMT), pour mettre en avant plusieurs destinations, dont Tanger. Publicités, communiqués de presse, ouvertures d’hôtels – un Hilton, le premier du pays, a ouvert ses portes en juillet près de la plage – des centres commerciaux, le développement d’une LGV entre Casablanca et Tanger… L’ONMT a mis les moyens ! La réussite de la ville sur le plan économique, ces nouvelles attractions et infrastructures attisent la curiosité des journalistes, qui s’y déplacent en nombre – on a très vite arrêté de compter les confrères japonais, russes, chinois, ivoiriens, sénégalais ou anglais croisés sur place – participant au retour sur le devant de la scène de Tanger.
Des atouts à faire valoir
Si elle attire de plus en plus de touristes, c’est que Tanger ne part pas de zéro. La ville, en plus d’être à deux pas de l’Espagne, proche du vivier de visiteurs européens, déborde de lieux atypiques et gorgés d’histoire(s). On compte ici plus de boutique-hôtels et maisons d’hôtes caractéristiques que de grands complexes, et c’est sur cette authenticité qu’elle mise. Musées, restaurants généreux, plage, lieux incontournables – le Cap Spartel, considéré par les auteurs grecs de l’antiquité comme le bout du monde, ou les Grottes d’Hercule, entre autres – et une médina aux atours refaits à neuf pourtant encore préservée du toc et des enseignes tape-à-l’œil, la Perle du détroit a tout du nid à city-breakers européens.
Et la boucle est bouclée. Après avoir servi de refuge aux rois de la Beat Generation, de Paul Bowles, le plus illustre, à William Burroughs en passant par jack Kerouac, puis aux Stones et aux Beatles, Tanger revient sous les projecteurs, et magnétise à nouveau des visiteurs aux envies différentes. Si Marrakech a son charme, Agadir ses resorts, la mariée du nord offre le luxe du less-is-more, la volupté d’une vue sur la mer peu importe où l’on s’y trouve, et surtout, surtout… pas de calme !
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Chiffres TMSA et ONMT.