The Good Business
Depuis 2001, Antoine Ricardou et Clémentine Larroumet dessinent des marques, créent des histoires et se sont même improvisés (ou presque) créateurs pour concept-stores branchés. Rencontre avec les deux fondateurs du studio Be-pôles.
Dans leurs bureaux de la rue Beaubourg, au cœur de Paris, dont la terrasse offre une vue incroyable sur le Centre Pompidou, Antoine Ricardou et Clémentine Larroumet reçoivent The Good Life un thé à la main, pour parler de Be-pôles, le studio de brand design qu’ils ont fondé en 2001. C’est au premier que revient la tâche de commencer les présentations. « Je suis diplômé en architecture, mais j’étais très attiré, à la fin de mes études, par le graphisme vers lequel je me suis tourné, explique-t-il, puis j’ai rencontré Clémentine, qui venait de l’édition. Cette complémentarité nous offrait la capacité de dessiner des volumes autant que des choses à plat. ». La philosophie des deux fondateurs tient en effet de l’importance de la marque par rapport au média utilisé. La pluralité de leurs compétences permet à Be-pôles d’offrir aux marques un package complet pour en dessiner l’identité.
Le tournant dans l’histoire de Be-pôles, c’est en 2012, lorsque le studio parisien s’occupe de l’identité visuelle de l’hôtel NoMad à New York. Clémentine Larroumet se souvient : « Nous les avons mis en contact avec Maison Kitsuné pour leur shop, recouvert les murs de nos photos et au fur et à mesure, Jacques Garcia, l’architecte du lieu, nous demandait d’habiller, voire d’habiter, l’hôtel. » Un projet d’envergure mené de bout en bout qui servira de ligne directrice aux deux amis pour le business qui suivra. « Quand on rencontre un client pour la première fois, nous sommes très à l’écoute de ses attentes, car généralement il a travaillé longtemps pour faire naître sa marque, confie Antoine Ricardou, puis on lui propose un projet qui colle à ce qu’il veut dire, on concrétise son idée en lui fournissant un produit béton à la fin. » Une belle enveloppe pour un produit abouti.
Chantre du no-design, le studio Be-pôles ne joue pas la performance ou le one shot. « Quand c’est trop designé, les futurs clients de la marque pour laquelle on travaille vont le sentir », nous confie Antoine, avant d’ajouter : « lorsque l’on réalise une performance, c’est forcément daté, ponctuel. » Alors que l’intemporalité est l’essence même du travail des deux fondateurs, comme nous le confirme Clémentine, « en 16 ans d’existence, aucun de nos clients n’a redessiné sa marque ». Un travail minimaliste, complet, efficace et ultra-réfléchi, où les détails comptent plus qu’ailleurs, « on en devient presque chiants ! » sourit d’ailleurs l’architecte de métier.
Be-pôles, une marque à part entière ?
A la fin des années 2000, le studio est contacté par Marie-France Cohen pour la création de sa marque, Merci (un concept-store dans le 3ème arrondissement de Paris). C’est alors que l’entrepreneuse repère de son œil avisé les sacs en papier dessinés par Be-pôles pour leurs coursiers. Elle décide alors de les vendre chez Merci, et c’est un carton ! « Ce qui n’était au début que notre charte graphique, le fait d’inscrire le nom des choses sur leurs emballages, et que l’on va jusqu’à inscrire sur nos devis, est devenu un objet tendance, que l’on retrouve aujourd’hui dans des concept-stores à Buenos Aires ou New York, explique Antoine, et cela s’est fait tout naturellement. » Le co-fondateur en est persuadé, c’est cette spontanéité et la simplicité de l’objet créé sans arrière-pensée commerciale qui en a amorcé le succès. Il conclut : « les gens voient lorsque l’on essore quelque chose pour faire de l’argent. »
Même histoire pour les Portraits de villes. Des carnets de voyage illustrés, dont les deux fondateurs de Be-pôles ont d’abord confié la réalisation à leurs proches, le frère d’Antoine et la sœur de Clémentine, avant d’être contactés à leur grande surprise par des artistes reconnus comme Philippe Chancel (Dubaï) ou Harry Gruyaert (Moscou). Ils sont d’ailleurs, et c’est un scoop, en discussion avec un grand réalisateur français, qui travaille tous ses films en photos avant de les tourner… Dernier paru, le Téhéran d’India Mahdavi. « Ce sont les artistes qui nous proposent les villes qu’ils veulent couvrir, nous fonctionnons comme une maison de disques », nous explique Antoine. En ce moment, on peut retrouver des modèles de vélos Le Petit Porteur aux couleurs des villes dont Be-pôles à refait le portrait. Le studio qui collabore avec des marques (comme Muji au printemps), devient donc lui aussi une marque à part entière.
Ce n’est pas la seule nouveauté. 2018 verra l’inauguration de l’hôtel Le Barn à Rambouillet, l’habillage du Printemps Food, l’ouverture du NoMad à Downtown LA suivi de celui de Las Vegas. En 2019 un nouvel hôtel à Comporta et l’extension des Roches Rouges de Saint-Raphaël dans un ancien garage à bateaux. Une actualité chargée pour Be-pôles, une agence pour qui le business se fait tout naturellement.
Be-pôles en chiffres :
- Nombre de salariés : 14 à Paris, 4 à New York.
- Nombre de projets en 2017 : + de 50.
- Croissance 2016-2017 : + 9 % (CA 2016 de 3,2 M € et CA 2017 de 3, 5M €).
- Nombre de clients : + de 100 (dont Reebok « la salle de sport », Merci, Maison Plisson, Cyril Lignac, Balibaris, Roseanna, Petit Bateau, Livy, Théâtre des Champs-Elysées, Le 1, Maison & Objet, Le Pigalle Hotel, Les Roches Rouges, Maison Sarah Lavoine, hôtels NoMad…)
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