Horlogerie
D’un futur angoissant à un Kama Sutra burlesque, en passant par une terrible vengeance et des mafieux sous surveillance voyeuriste, cette rentrée bédéiste s’annonce riche en émotions !
La rentrée BD de The Good Life en sept Good Bubbles :
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Prémonitoire
Le progrès, c’est formidable. Sauf le jour où tout se dérègle, évidemment. Par exemple, quand le cloud implose et que chacun peut avoir accès aux secrets de tout le monde. Pour se protéger de cette transparence insupportable, dans cette BD les habitants de ce Los Angeles futuriste ne sortent jamais sans se couvrir le visage d’un masque. Et si Brian K. Vaughan, scénariste vedette des comics, n’avait fait qu’anticiper notre société de demain de quelques années seulement ? Comme dans la série télé « Black Mirror », le pire est peut-être déjà en germe dans la technologie d’aujourd’hui. Une saga stimulante qui utilise, elle aussi, toutes les ressources de la modernité, puisqu’elle a été diffusée sur un site Internet de webstrips (www.panelsyndicate.com), en laissant ses lecteurs libres de déterminer leur prix d’achat.
The Private Eye, Brian K. Vaughan et Marcos Martin, Urban Comics, 304 p., 28 €.
- Renaissance
Toujours aussi inclassable et infatigable, Trondheim fait l’actualité avec (au moins) deux titres. Une histoire de science-fiction dessinée par Stan et Vince (Density, chez Delcourt) et, surtout, le grand retour de son personnage fétiche, Lapinot, pourtant censé avoir été « tué » par ses soins voilà treize ans. Un Lapinot fidèle à lui-même, toujours aussi bavard et drôle, en prise avec son époque et adepte des questions existentielles. Un héros de BD qui renaît de ses cendres et qui fait du bien à ses lecteurs. Que demander de plus ?
Un monde un peu meilleur, Lewis Trondheim, L’Association, 48 p., 13 €.
- Antisexe
Chez la BD de Jacovitti, le sexe tient du grotesque et de la farce. Sa version du Kama Sutra (devenu « sultra ») relève plutôt de la parodie et de la bouffonnerie. On ne saurait conseiller à ses lecteurs de se risquer à en adopter les positions, sous peine de complications physiques douloureuses… Publiés en 1981 et 1982 dans le magazine italien Playmen, ses dessins étaient d’abord une charge ironique contre la vogue du porno qui avait envahi l’Italie de la fin des années 70. « Dans mes cartoons, j’ai voulu faire de l’antiérotisme, expliquera le dessinateur. J’ai voulu me moquer de cette mode avec mes pénis à robinet et mes femmes à quatre seins. Mes étreintes sont destinées à faire rire, soit l’exact opposé des excitants dessins à la Manara. » Mission accomplie.
Kamasultra, Jacovitti, Editions i, 104 p., 19,70 €.
- D’un monde à l’autre
Quand un détective privé est chargé d’observer aux jumelles le comportement de deux familles mafieuses dans une villa, on peut se dire qu’on a affaire à un polar. Mais à un drôle de polar alors, qui navigue entre érotisme et onirisme. Le trait fluide et léger d’Antoine Cossé oscille entre un noir et blanc ponctué de taches et une bichromie délicate, parfois rehaussée de touches de couleur qui viennent surprendre l’œil et installer un climat envoûtant. Un polar éthéré, plein de sensualité, dans lequel les scènes les plus crues se déroulent comme dans un rêve. Etonnant et troublant.
La Villa S., Antoine Cossé, Les Requins marteaux, 128 p., 12 €.
- Il était… le temps !
Comment représenter le temps en images ? Victor Hussenot s’interroge sur cet éternel mystère, auquel il tente de donner forme dans un album aussi beau qu’intrigant, plein de poésie, de couleurs et d’imagination, et dont la lecture est tout sauf une perte… de temps.
Les Etoiles du temps, Victor Hussenot, Gallimard, 96 p., 20 €.
- Héroïne
Lady Snowblood est une histoire belle et tragique. Celle de la vengeance d’une mère par sa fille, née en prison avant de se transformer en une combattante hors pair et implacable. Lady Snowblood est une héroïne bouleversante, accablée par un destin auquel il lui est impossible d’échapper. Le trait d’une folle élégance de Kamimura donne une dimension encore plus terrible à cette femme, à laquelle la liberté est interdite, et qui inspirera le personnage joué par Uma Thurman dans le film Kill Bill, de Quentin Tarantino.
Lady Snowblood, Kamimura et Koike, Kana, 1 408 p., 29,90 €.
- Aujourd’hui, demain ?
Certains trouveront cet album exagérément sombre, quand d’autres se diront qu’un jour la réalité rattrapera peut-être la fiction… Chantal Montellier imagine un groupe de clients confinés dans un centre commercial après une explosion nucléaire – réelle ou inventée, à des fins d’expérimentation sur le comportement humain ? L’auteur propose une version augmentée et entièrement redessinée d’un album paru dans les années 80. Une dystopie dont certains passages, légèrement caricaturaux, n’enlèvent rien à la pertinence des interrogations.
Shelter Market, Chantal Montellier, Les Impressions nouvelles, 104 p., 20 €.