The Good Business
De vendeur de meubles à dirigeant d’une entreprise de « workspace sharing », il n’y a qu’un pas. Surtout quand on a, comme Mikael Benfredj, le sens des affaires et un solide réseau. Rencontre avec le fondateur de Patchwork, jeune entité dans le secteur en expansion du coworking, qui compte déjà deux espaces à Paris, et un troisième au programme.
Au 10, rue Pergolèse (Paris 16e), dans un Haussmannien aux stores rétro verts et blancs, Mikael Benfredj nous reçoit dans son deuxième espace de coworking Patchwork, l’entreprise qu’il a créée en 2015. Il est alors dirigeant des magasins de mobilier italien Lago dans la capitale. Lorsqu’il constate que sa boutique du Sentier ne marche pas aussi bien que celle de Saint-Germain, il décide de la transformer en espace de coworking. Dans ce quartier qui regorge de start-ups, on ne l’appelle pas Silicon Sentier sans raison, sa clientèle était majoritairement composée d’architectes et d’indépendants. Le succès est immédiat.
Une question d’opportunités…
Au fil des mois, il continue de modifier l’endroit au gré des remarques et conseils de ses clients, qu’il a rassemblé vitesse grand V en fusionnant ses deux réseaux : les architectes et les entrepreneurs, lui-même étant un ancien patron en série.
Poussé par ses envies d’expansion, il s’associe avec Jordan Chiche, spécialiste du retail à la fibre immobilière certaine. Ils décident finalement de s’installer rue Pergolèse, dans un quartier où les espaces de ce type ne sont pas légion. En mai dernier, à 35 ans, Benfredj ouvre ainsi son deuxième coworking Patchwork, deux fois plus grand (500 m² contre 250 m² dans le Sentier) dans le 16e arrondissement de Paris. En à peine trois mois, il est presque déjà complet, avec un de taux de remplissage de 85 %.
The Good Life : Où situez-vous Patchwork dans le panorama des offres disponibles en coworking ?
Mikael Benfredj : D’abord, nous sommes radicalement différents du coworking « café », type location de postes à l’heure, à la journée ou à la semaine. Ensuite, il y a les acteurs presque « industriels », comme Bouygues, Nexity voire Kwerk. Ces promoteurs se lancent dans le secteur avec de plus grands moyens, en utilisant le coworking comme un éclaireur de la transformation du concept de bureau. Avec une location mensuelle minimum, 90 % de bureaux fermés, on se rapproche de ce segment, mais à notre échelle, en restant proches de nos membres.
The Good Life : Et qu’est-ce qui vous différencie de vos concurrents dans ce secteur ?
Mikael Benfredj : L’authenticité. Nos espaces sont moins formatées, les visites font moins « mise-en-scène ». On vient du sérail, de la nouvelle économie. J’ai moi-même été à la tête de plusieurs start-ups, je connais les envies et besoins des entrepreneurs. On veut rester raisonnables dans les surfaces de nos espaces pour conserver cet esprit sans artifice. Puis il y a aussi une notion de confort : chez Patchwork, on s’assoit sur des chaises Herman Miller et on travaille sur des tables USM en acier. Autre avantage pour nos membres, tous les postes et bureaux sont personnalisables… on prend du temps avec chacun de nos clients pour en discuter.
TGL : Quel est le portrait-robot du membre Patchwork ?
M.B. : On s’est rendu compte, au fur et à mesure, que les entreprises qui avaient la maturité de faire du coworking ont déjà eu des bureaux. Des start-ups qui ont levé des fonds ou qui sont déjà rentables, avec des objectifs à réaliser qui n’ont pas le temps de visiter des locaux. Souvent, nos membres ont besoin de flexibilité et d’un espace plus grand qu’eux-mêmes. Nous avons par exemple une entreprise qui utilise 100 m² chez nous, une surface qu’ils n’auraient pas louée ou achetée mais dont ils peuvent avoir besoin, et qui les encouragera éventuellement à recruter.
TGL : La mise à disposition de bureaux, les à-côtés, les services supplémentaires… Quel est votre business model ?
M.B. : On gagne de l’argent en vendant de l’occupation au poste. Peu de services payants. On se met le plus souvent d’accord avec un forfait de départ, en fonction des besoins du client. S’ils sortent de l’ordinaire, comme l’utilisation très fréquente de salles de réunions, on négocie à l’avance, pour éviter les mauvaises surprises. On a appris les leçons de concurrents qui perdent des clients à cause de frais d’installation, de mise en service, etc. qui n’étaient pas prévus et qui alourdissent la facture.
TGL : Vous avez ouvert votre premier espace dans le Sentier, par opportunité. Le deuxième a ouvert rue Pergolèse, et le troisième ouvrira en fin d’année avenue d’Iéna… Le 16e arrondissement n’était pas habitué à ce genre d’espaces ! Pourquoi ce choix ?
M.B. : Après notre premier succès, on pensait d’abord s’installer dans le triangle 10e / 9e / 2e, les trois arrondissements où l’on trouve le plus d’espaces de coworking. Finalement, les brokers nous ont proposé ce lieu dans le 16e et l’opportunité était intéressante. Il y a ici de nombreux cabinets d’avocats, de sièges d’entreprises, de gens qui travaillent ! En se baladant, on se rend compte que les rues grouillent de monde, de bars, de restaurants… Alors pourquoi pas ? L’expérience est concluante au point que nous ouvrirons notre troisième espace dans avenue d’Iéna. Et nous ne sommes pas seuls, Kwerk a ouvert près du Parc Monceau…
TGL : Enfin, est-ce que vous voyez un avenir aux bureaux classiques ? Jusqu’où ira le coworking ?
M.B. : On constate que les entreprises créées par notre génération ont pour ambition de grandir très vite. C’est contradictoire avec le bail 3-6-9, vieillissant, avec lequel l’on s’engage sur une longue durée et une surface précise. Certains bailleurs classiques se posent des questions, ils nous approchent. D’après les derniers chiffres, la demande placée en coworking est de 15 % à Paris pour une part de marché de 2 % seulement, l’avenir est au coworking. Mais cela prendra du temps, notamment avec le décalage Paris/Province, où certaines entreprises n’ont pas de réticence à signer un 3-6-9, mais le bureau dit « classique » est clairement menacé.
Patchwork
10, rue Pergolèse, Paris 16e.
&
8, rue de Clery, Paris 2e.
patchwork.co
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