Culture
Graphiste de profession et auteur de "This Brutal World", livre hommage à l’architecture brutaliste, l’Anglais Peter Chadwick est l’un des défenseurs les plus acharnés de ce mouvement qui divise. Rencontre.
Le béton, les structures massives, les lignes simples et efficaces… L’architecture brutaliste est clivante. Ce mouvement phare du siècle dernier compte parmi ses admirateurs les plus acharnés l’Anglais Peter Chadwick. Graphiste pour Fremantle ou Universal, publié dans plus de 30 revues, il clame son amour inconditionnel pour ces monstres de béton dans son ouvrage « This Brutal World » (« Archi Brut » en version française), paru l’an dernier chez Phaidon.
Originaire de Middlesbrough dans le nord de l’Angleterre, Chadwick pousse au milieu des tours de béton, des industries lourdes et leurs usines massives et zigzague entre les parkings et les malls brutalistes. Sous le charme, il se passionne pour le mouvement moderniste et découvre les maîtres en la matière, Le Corbusier, Marcel Breuer ou Ernõ Goldfinger entre autres.
Sa passion pour le brutalisme, Peter Chadwick l’explique par l’admiration qu’il porte à ces architectures qui défient l’opinion publique, ouvrent le débat et questionnent l’humain sur ses goûts. Il regrette l’uniformisation des grands centres-villes, de verre et d’acier, mais souligne l’héritage d’architectes contemporains, comme David Chipperfield, Zaha Hadid et Herzog & de Meuron qui perpétuent cette tradition du choc visuel.
Son goût pour la géométrie et les lignes droites l’ont mené à la direction artistique plus qu’à l’architecture. Aujourd’hui, il photographie ces chefs d’œuvre en péril, et créé des posters minimalistes hommages aux car parks de son enfance, mêlant ainsi ses deux savoir-faire. The Good Life l’a rencontré.
Le brutalisme selon Peter Chadwick en 10 questions :
1 – Le premier immeuble marquant
« Le parking de Trinity Square à Gateshead. Démoli aujourd’hui, c’était un véritable monstre de béton qui titillait mon imagination de jeune des seventies. On aurait dit un vaisseau spatial venu d’un autre monde, mes rêves d’amateur de science-fiction devenaient réalité quand je passais à côté. C’est d’ailleurs une star de cinéma, immortalisé dans « Get Carter », un film avec Michael Caine sorti en 1971. »
2 – Le plus impressionnant parmi les constructions récentes
« Probablement le Silos 13 par VIB Architecture pour la cimenterie Calcia à Paris (13e). Une structure futuriste, fonctionnelle mais qui attire l’œil. Les cylindres de béton, horizontaux et verticaux sont percés de fenêtres aux formes irrégulières, comme des dessins d’enfants. Très pratique pour les automobilistes qui peuvent profiter de la vue pendant les bouchons ! »
3 – L’immeuble à sauver en priorité
« Partout dans le monde il y a des constructions en danger de démolition. Le plus souvent à cause des coûts trop élevés pour les rénover, d’autres parce qu’ils sont jugés trop laids. Heureusement, depuis quelques années au Royaume-Uni il existe des associations comme Twentieth Century Society et SOS Brutalism qui défendent ces bâtiments en péril. L’un d’entre eux, la Dunelm House, une partie de la Durham University, me touche particulièrement, puisqu’il est situé tout près de ma ville natale. Des associations se battent pour le sauver et imaginent ses fonctions futures. »
4 – Une construction brutaliste en France
« Il y en a tellement ! En dehors de la liste évidente des classiques de Le Corbusier, j’aime beaucoup le travail audacieux et intransigeant de Claude Parent. Notamment son chef d’œuvre, l’église Sainte-Bernadette du Banlay à Nevers. Ses façades bétonnées, sans fenêtre, divisent l’opinion, mais elles me rappellent les bunkers et cheminées de Middlesbrough. »
5 – Un clip ultra-brutaliste
« « Go » des Chemical Brothers réalisé par Michel Gondry. Une lettre d’amour moderniste, brutaliste et rythmée. Le clip a été filmé près des tours seventies du Front-de-Seine à Paris. »
6 – Un bâtiment si laid qu’il en est devenu beau
« Sans hésiter, le shopping center de Catford et ses Milford Towers, à Lewisham dans le sud de Londres. »
7 – L’utilisation la plus étonnante de l’architecture brutaliste
« Les terrains de jeux pour enfants ! Ils sont résistants, tiennent dans le temps mais sont douloureux, mes jeunes genoux s’en souviennent… Un bon exemple, celui situé en face de la Balfron Tower à Londres. »
8 – Trois ingrédients qui font une masterpiece de béton
Une vision architecturale audacieuse et singulière, une façade pure sans fioriture, un certain charisme qui lui permet de dominer les buildings alentour, contraster avec son environnement.
9 – Top des villes brutalistes
« Le mouvement a traversé les frontières, il existe des bâtiments de ce type partout dans le monde… Si je dois choisir, ce sera Londres, bien évidemment, Paris, Toronto, Boston, Washington DC, Brasilia, une évidence, et Berlin. Principalement pour leurs concentrations en immeubles brutalistes et modernistes. »
10 – Les trois favoris
« Le haut-fourneau de Dorman Long à South Bank, près de Middlesbrough, le parking Minories à Londres et celui de Trinity Square à Gateshead. C’est très personnel…»
This Brutal House
Peter Chadwick commercialise, via ses réseaux sociaux, des posters minimalistes en hommage aux concrete monsters qui ont marqué son enfance dans le nord de l’Angleterre. Il y partage également ses plus belles trouvailles, et partage celles de ses followers.
Twitter — @BrutalHouse
Instagram — @thisbrutalhouse
Archi Brut, Phaidon, disponible ici.
www.thisbrutalhouse.com
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