The Good Business
The Good Life a rencontré l'artiste plasticien qui a monté Studio Venezia, un véritable studio d'enregistrement au pavillon français de la 57e Biennale de Venise. Son but ? Créer un pont entre la manifestation d'art contemporain, la ville et ses visiteurs au son de la musique. Good vibes only !
Pour Xavier Veihlan, artiste plasticien français, le meilleur moment musical est celui de la surprise. Voir des gens travailler est une autre manière de rentrer dans la musique, art souvent incertain. Une réflexion stimulante qui s’est concrétisée par l’aménagement d’un studio d’enregistrement à l’intérieur du pavillon français de la 57e édition de la Biennale de Venise. Il y a tout juste quelques mois, il s’installait dans le sestiere (quartier) de Castello, à Venise, à deux pas des Giardini, pour monter Studio Venezia, sous l’œil complice des commissaires d’exposition Lionel Bovier et Christian Marclay. Explications.
The Good Life : Comment avez-vous eu l’idée de monter Studio Venezia ?
Xavier Veilhan : J’avais envie de faire quelque chose qui ne soit pas uniquement centré sur les arts visuels, sortir de la chronologie de l’exposition de la Biennale, où tout est concentré dans la semaine de l’ouverture. Voir la frénésie du début suivie par une espèce de mélancolie des derniers jours, était pour moi étonnant. J’ai réfléchi à comment utiliser le temps tout le long de la Biennale pour faire rentrer en communication le pavillon et la ville. Avec Studio Venezia, exposition qui dure sept mois, nous essayons de rétablir l’ordre du travail sur la durée.
TGL : Studio Venezia est aussi un projet itinérant qui s’exportera à Buenos Aires et Lisbonne. Pouvez-vous nous en dire plus ?
X.V. : Le projet prendra le nom de la ville d’accueil, qui sera décliné dans la langue du pays d’origine, Studio Lisboa et Studio Buenos Aires. Le studio n’est pas un portrait de la ville, mais un point de vue sur elle. Dans le Studio Venezia, il y a par exemple des caractéristiques de Venise et de l’Italie qui ressortent mais aussi un parti pris : le fait que ce soit la Biennale, Christian Marclay en tant que commissaire d’exposition et la sélection des artistes qui viennent jouer, donnent une certaine couleur au projet. Cette exposition est une métaphore, un projet en lien avec l’environnement à travers le temps, la température, l’ambiance, le nombre des gens qui passent. Au MAAT à Lisbonne et à Buenos Aires, par contre, je ne vais pas pouvoir avoir le même engagement. Si à Venise je suis là tout le temps pour accueillir les artistes, pour la suite, j’aimerais que le projet prenne une forme plus autonome, ainsi qu’une croissance organique.
TGL : Avec lesquels artistes avez-vous eu le plaisir de travailler à Studio Venezia ?
X.V. : À la fois DJ et producteur, Joakim Bouaziz (@joakim_bouaziz), a monté un projet musical puissant en s’inspirant des possibilités et des instruments qui étaient à sa disposition dans le studio. C’était surprenant de découvrir qu’il était aussi un bon pianiste ! Ici, on assiste tout le temps à la création d’une œuvre, quel plaisir. Par exemple hier on avait un claveciniste italien, Nicola Lamon. À un moment, il s’est mis à chanter en faisant des variations sur de la musique baroque, d’une manière si simple et touchante, comme un enfant. Le meilleur moment musical est celui de la surprise. C’est lorsque l’on est surpris par une émotion qu’elle devient plus intense.
TGL : Quel est votre rapport au temps ?
X.V. : La Biennale est comme une rivière. Avec presque 500 000 visiteurs à chaque édition, ce n’est pas un grand flux de personnes, mais plutôt un robinet qui coule constamment. Les gens arrivent aux pavillons, rentrent, restent, partent. Le rapport au temps m’intéresse dans la mesure où il change aussi le lien avec l’espace.
TGL : Vos impressions sur cette 57e Biennale ?
X.V. : Je passe 90 % de mon temps dans le pavillon français. La Biennale est devenue pour moi une espèce de village, comme un camping où je vais tous les jours. Il y a les visiteurs, bien entendu, mais en ayant participé à l’installation du studio depuis le mois de mars, j’ai assisté à plusieurs changements : on voit les ouvriers, les équipes des artistes habillés en noir, les médiateurs qui accueillent le public, le climat qui s’est fait plus doux… Les rencontres ici sont essentielles. Dans le pavillon central de l’Arsenale par exemple, j’ai échangé avec cette artiste américaine, Dawn Kasper qui fait aussi une performance musicale pendant les six prochains mois « The Sun, The Moon, and The Stars » ; nous sommes comme des passagers dans un grand bateau.
TGL : Pour la 5e année consécutive, le festival More, qui aura lieu du 8 au 11 juin, est aussi une façon pour Venise de s’ouvrir à la fois à la musique, à l’art et à l’art de vivre. En quoi consiste votre collaboration avec ce festival ?
X.V. : Les Vénitiens sont très actifs dans la musique. Notre idée était de construire un projet qui mette la Biennale en contact direct avec la ville en tissant des collaborations avec plusieurs institutions, comme le Festival More. Le groupe Zombie Zombie sera au pavillon et jouera pendant le festival, moi aussi je vais mettre des disques un soir. Mais ce n’est pas tout ! On risque de faire deux soirées de concert avec des artistes qui viendront enregistrer au pavillon et se produire au Teatrino du Palazzo Grassi.
Les good spots de Xavier Veilhan à Venise
- Une excursion : les îles proches de Venise où on peut se baigner les pieds dans l’eau de la lagune.
- Une journée à la plage : Le Lido, j’aime beaucoup son ambiance balnéaire particulière et surannée qui renvoie à une idée des vacances un peu à l’ancienne.
- Un quartier : Castello, le but de la via Garibaldi est mon QG. Il y a ici une concentration de commerces locaux que j’aime bien : un boucher, un poissonnier, un marchand de fruits, un pâtissier.
- Un restaurant : Nevodi, à Castello, assez simple et chaleureux, avec du poisson à tomber.
- Une église : San Zaccaria, toujours dans le sestiere de Castello, véritable mix d’architectures entre gothique, renaissance et style vénitien-byzantin.
- Un musée : Le Fortuny, ancienne résidence de l’artiste Mariano Fortuny, est une étape obligée.
- Un théâtre : Le Teatrino du Palazzo Grassi, conçu par Tadao Ando, nous y avons prévu deux concerts.
- Une fondation d’art privée : j’ai hâte de découvrir la nouvelle exposition de la fondation Prada « The Boat is leaking, the captain lied ».