The Good Business
Né en Afrique du Sud, étudiant à Oxford et à l’université de Pennsylvanie, Joseph « Jack » Diamond est arrivé à Toronto en 1964, pour y enseigner l’architecture à l’université de Toronto, avant de fonder son cabinet, en 1975.
Dans le portfolio de Diamond and Schmitt Architects, on trouve des bâtiments emblématiques qui témoignent de la transformation de la ville : des résidences et des pavillons universitaires, des instituts de recherche, des projets résidentiels, des installations culturelles, dont le Four Seasons Centre for the Performing Arts.
The Good Life : Quelle a été votre première impression de la ville ?
Jack Diamond : Quand je suis arrivé, en 1964, je pensais avoir pris la pire décision de ma vie. C’était une ville à l’architecture médiocre. En gros, on n’y construisait que des établissements scolaires afin de répondre à la demande liée au baby-boom. Les bureaux se spécialisaient donc dans les écoles. Quand j’ai débuté ma pratique, j’ai réalisé que je devais me diversifier. Le fait que nous ayons travaillé, et que nous travaillons toujours, dans autant de domaines, est une police d’assurance. Le Canada est aussi une excellente base pour travailler dans d’autres pays, et quand l’économie va moins bien ici, elle est meilleure dans une autre partie du monde. Nous avons pu réaliser des projets dans seize pays, et en avons en cours dans six autres.
TGL : Comment se traduit l’expansion de la ville au niveau de l’architecture ?
J. D. : Toronto accueille environ 80 000 immigrants par an et 51 % de sa population est née hors du Canada. Cette immigration est la raison pour laquelle nous construisons ici plus qu’ailleurs ; les gens ont besoin de logements et de biens. Mais nous devons aussi créer de nouveaux secteurs d’activités. L’un des plus importants est la biochimie, avec ses centres de recherche. Le Discovery District en est un bon exemple. Les établissements de recherche sont connectés aux hôpitaux dans une organisation spatiale qui favorise les mouvements horizontaux et permet l’interaction entre les disciplines. C’est la base fondamentale de notre travail. Bien sûr, il faut répondre aux besoins, être attentif aux économies d’énergie, etc., mais la dimension sociale est aussi importante que la dimension physique. C’est ce qui élève un projet au-delà des normes. C’est une grande part de ce que nous faisons et aussi la raison de notre succès.
C’est également ce que nous avons réalisé avec le Four Seasons Centre for the Performing Arts. Son esthétique a été guidée par deux choses : une façade transparente pour démystifier l’opéra et le rendre moins intimidant, et un vaste lobby ouvert, la City Room, qui est une extension du trottoir. Le centre a ouvert il y a dix ans, et son succès est immense, avec 93 % de taux de remplissage et un âge moyen des visiteurs qui baisse radicalement. Du côté des projets résidentiels, la bonne nouvelle est que la décentralisation se renverse. La mauvaise est que les appartements que nous construisons sont très petits. On a donc un déséquilibre dans la mixité sociale. Nous manquons de bibliothèques, d’écoles, de parcs, de cliniques, de tout ce qu’il faut pour les familles. Dans les années 70, au coeur de la ville se côtoyaient les hauts revenus et les plus bas. La classe moyenne se trouvait en périphérie. Ce sont maintenant les plus pauvres qui y sont relégués. Il est vrai que c’est irréaliste de faire cohabiter les très riches et les très pauvres, mais nous devenons une ville davantage discriminante qu’intégrante. Pas autant que dans certaines villes des Etats-Unis, mais il faut faire attention.