The Good Business
Surtout réputée pour la douceur de ses hivers et sa passion pour les courses automobiles, cette ville de Caroline du Nord, deuxième centre bancaire des Etats‑Unis, connaît l’une des plus fortes croissances démographiques et économiques des Etats-Unis. Voilà une bonne raison pour partir à la découverte d’une métropole à mi‑chemin entre New York et Miami.
Lundi, 18 heures. La salle de sport Reebok CrossFit du centre-ville de Charlotte se remplit ; c’est la sortie des bureaux. A l’accueil, Douglas Schwartz salue, tout sourire, les habitués. Comme la grande majorité des habitants de la ville, l’étudiant de 21 ans n’est originaire ni de Charlotte ni de la région : il a quitté son île natale de Long Island (New York) pour poursuivre ses études à l’université de Caroline du Nord. Ces dix dernières années, la population de l’agglomération urbaine de Charlotte a augmenté de 26 % pour atteindre les 2,5 millions d’habitants, dont près de 810 000 à Charlotte même, centre administratif du comté de Mecklenburg et 18e plus grande ville des Etats-Unis en population.
L’une des poussées démographiques les plus rapides de la région du Sud-Est, plus forte encore que celles d’Atlanta et de Dallas. « Charlotte est l’une des plus grosses villes du nord du Sud-Est américain », précise Don Kilinski, du cabinet de chasse DHR International, qui a quitté sans états d’âme les hivers rigoureux du New Jersey pour venir s’installer à Charlotte il y a deux ans. Le thermomètre y oscille entre 5 et 10 °C de novembre à mars et ne dépasse pas les 28 °C au cœur de l’été.
Un climat agréable, des plages et des montagnes à seulement trois heures de route et un marché du travail ultradynamique : Charlotte se révèle hyperattractive pour les jeunes diplômés américains en quête d’équilibre entre activité professionnelle et vie personnelle. La moitié de la population de la ville a aujourd’hui moins de 35 ans, et 43 % des nouveaux venus ont suivi des études supérieures. « Les talents sont nombreux et très concentrés géographiquement », relève encore Don Kilinski, pour qui Charlotte est l’endroit idéal pour démarrer une carrière professionnelle.
Des entreprises très investies
Depuis la fin des années 90, « Queen City » doit son développement au secteur bancaire. Bank of America y a installé son siège social mondial en 1998, lors de sa fusion, avec NationsBank. La tour postmoderne, haute de 265 mètres, domine encore le quartier d’affaires du centre-ville, Uptown. En 2008, en pleine crise financière, le groupe de San Francisco Wells Fargo y a regroupé ses opérations de la côte Est, après l’acquisition de Wachovia. Le géant bancaire californien est aujourd’hui le deuxième employeur de l’agglomération avec près de 24 000 salariés, juste après le réseau de centres médicaux et hospitaliers Carolinas HealthCare System (35 000 employés), mais devant sa concurrente Bank of America, qui en compte, elle, 15 000. Les vingt plus grandes banques du pays y ont une filiale. Charlotte constitue donc le deuxième pôle bancaire des Etats-Unis, derrière New York et devant San Francisco. Un écosystème financier nécessairement favorable à l’installation des entreprises : huit sociétés du classement Fortune 500 possèdent leur siège social dans l’agglomération et près de trois cents y ont ouvert une antenne. Charlotte a t-elle un secret ? Son atout majeur : son aéroport international, situé à vingt minutes en voiture du centre-ville. Huitième du pays par le nombre de passagers, l’aéroport Charlotte-Douglas assure 151 liaisons directes, dont un quart relie la Caroline du Nord à une ville étrangère.
« La proximité de cet aéroport était cruciale dans le choix de nous installer dans la région », reconnaît l’entrepreneur belge Steve Symons, patron de BuzziSpace, spécialiste du mobilier design acoustique dont la filiale américaine est basée à High Point, au nord-ouest de Charlotte, cœur historique de la fabrication de meubles dans l’Etat. Pour le président de la chambre de commerce de la ville, Bob Morgan, l’aéroport constitue réellement le moteur de l’économie régionale. Près d’un millier d’entreprises étrangères sont actuellement recensées dans l’agglomération urbaine. « Les Allemands constituent la communauté étrangère la plus importante, suivis des Britanniques, des Canadiens, des Japonais et des Français », précise-t-il. Charlotte s’enorgueillit d’être l’une des villes les plus diversifiées et les plus cosmopolites du sud des Etats-Unis.
Plus encore que dans beaucoup d’autres villes américaines, les entreprises sont très investies dans la vie des Charlotteans. Leurs noms se retrouvent à tous les coins de rue : le Bank of America Stadium, stade de football de 75 413 places ; la Time Warner Cable Arena, complexe omnisports et salle de concert ; la Wells Fargo Plaza, où viennent s’asseoir les cols blancs à l’heure du déjeuner. Wells Fargo, qui, en 2015, aura donné 12,4 millions de dollars de subventions à plus d’un millier d’organisations et d’écoles de Caroline du Nord. Depuis 2005, ce sont 190 millions de dollars ainsi distribués et répartis dans l’éducation, les arts et l’entreprenariat. La banque encourage ses employés au bénévolat, 157 000 ont répondu à l’appel l’an dernier. « Les jeunes diplômés sont beaucoup plus impliqués dans la vie de leur communauté, surtout depuis la crise financière de 2007-2008, relève Kendall Alley, le président de Wells Fargo pour la région de Charlotte. Et quand vient le temps du volontariat, nous ne sommes plus entre banques concurrentes, nous sommes partenaires, associées à tous les grands groupes de la ville », tient-il à préciser. Bank of America a, pour sa part, versé 15 millions de dollars en subventions et donations l’an dernier.
L’agglomération de Charlotte
- Population : 2,5 millions habitants dont 809 958 à Charlotte (2014)
- Age moyen : 33,2 ans
- 2e centre financier des Etats-Unis
- Siège de 8 sociétés du Fortune 500
- 960 entreprises étrangères
- Taux de chômage : 5,1 %
- Revenu annuel moyen par personne : 54 278 $ (national : 51 939 $)
Une ville sportive et verte
Le foisonnement de grues à travers la ville témoigne du formidable bouillonnement et donc du développement urbain. Gelés durant la crise économique, les projets immobiliers ont été relancés Uptown. Construction de bureaux, d’hôtels, mais aussi d’appartements pour attirer en centre-ville les millennials, jusqu’alors traditionnellement installés à NoDa (contraction de North Davidson), quartier des urban youngsters et des hipsters du nord-est de Charlotte. De plus en plus de bars et de restaurants s’ouvrent dans les rues principales, au pied d’immeubles neufs ou rénovés. Manquent encore les commerces de proximité et les boutiques trendy en centre-ville, alternative aux malls et grandes surfaces de périphérie. Ça viendra…
La banlieue sud de Charlotte (SouthPark et Ballantyne), réputée pour sa tranquillité, ses vastes maisons familiales et la qualité de ses écoles publiques, s’est également rapidement étendue ces dernières années. Son développement est toutefois limité par l’une des greenways, des allées de végétation protégées (55 kilomètres à travers le comté), très prisées des joggers, des cyclistes et des promeneurs du dimanche.
Les grands événements sportifs rythment la vie des Charlotteans : matchs des Panthers (football américain), des Hornets (basketball), et surtout courses automobiles de la Nascar. Trois courses sont organisées chaque année sur le Charlotte Motor Speedway, le circuit de Concord, situé à 25 kilomètres au nord de la ville : les Nascar Sprint All-Star Race et Coca-Cola 600 au mois de mai et la Bank of America 500 en octobre. « L’ensemble du secteur de la Nascar représente un marché de 6 milliards de dollars et emploie 23 000 personnes dans notre agglomération », précise Tom Murray, directeur général du Charlotte Regional Visitors Authority (CRVA),un organisme chargé du développement économique de la région.
Charlotte abrite le Nascar Hall of Fame. Ouvert depuis cinq ans, le bâtiment à l’architecture aérodynamique et au toit chromé accueille chaque année près de 180 000 passionnés de vitesse et d’histoire des courses automobiles. Les touristes viennent le plus souvent passer trois ou quatre jours à Charlotte, le temps d’un week-end prolongé. Le Bechtler Museum of Modern Art, bâtiment de briques et de verre conçu par Mario Botta, l’un des musées les plus fréquentés de la ville, s’est adapté aux flux des visiteurs occasionnels et reste donc ouvert le lundi.
Sur le parvis une statue devenue depuis l’icône culturelle de Charlotte : Le Grand Oiseau de feu sur l’arche, de Niki de Saint Phalle. « Notre collection est riche de 1 400 pièces, mais nous ne pouvons en montrer que 8 % à chaque exposition », explique le vice-président du musée, Christopher Lawing, devant une série de portraits des membres de la famille de collectionneurs Bechtler peints par Andy Warhol. Les soirées privées organisées dans le hall du musée attirent aujourd’hui les jeunes Charlotteans en quête de lieux exceptionnels pour se rencontrer et s’amuser, à deux pas des principales galeries d’art de la ville.
L’aéroport international de Charlotte‑Douglas
- 6e aéroport des Etats-Unis
- 43 millions de passagers par an
- 683 vols par jour
- 151 destinations (vols directs) dont 38 vers l’étranger
Ralentir le turnover
Entre 2009 et 2013, 76 500 personnes en moyenne sont arrivées chaque année dans la région de Charlotte et 53 900 en sont parties. Un turnover de population que la municipalité souhaiterait ralentir. Ceux qui restent disent tomber amoureux de cette ville du Sud qui fait de l’œil au Nord. « J’aime cet endroit, ces gens, ce climat, ce positivisme à toute épreuve et surtout cette énergie », s’enthousiasme Alain Low. Cofondateur de Marie’s Corner, entreprise belge spécialisée dans la fabrication et la distribution de meubles, il est venu vivre à Charlotte avec sa famille il y a six ans pour ouvrir sa filiale américaine. « Je ne pensais pas rester et, aujourd’hui, je ne déménagerais pour rien au monde ! » Tiens donc ?
3 questions à Tom Murray
Directeur général de Charlotte Regional Visitors Authority (CRVA)
The Good Life : Quel est le poids économique du tourisme à Charlotte ?
Tom Murray : Les visiteurs dépensent chaque année 4,9 milliards de dollars dans notre région, le comté de Mecklenburg. Non seulement ils achètent nos produits, mais ils paient des taxes de séjour qui sont ensuite investies dans notre économie. Cette somme a contribué à construire le stade de notre équipe de basketball NBA, The Charlotte Hornets, le stade de baseball, le Nascar Hall of Fame, le Charlotte Convention Center ou encore le Levine Center for the Arts. Cela crée un environnement attractif et dynamique.
TGL : Comment attirer les jeunes millennials ?
T. M. : C’est dans l’agglomération de Charlotte que l’on trouve le plus d’emplois. Les secteurs bancaire et énergétique emploient également beaucoup de jeunes. De nombreux logements sont en construction en centre‑ville et d’importants investissements ont été réalisés dans les transports en commun. Le tout dans un cadre très vert. De quoi attirer les jeunes générations.
TGL : La ville investit dans le football, pourquoi ?
T. M. : Nous souhaitons développer ce sport à Charlotte, y créer
une équipe de haut niveau. Nous venons d’organiser des tournois
avec des équipes internationales, comme celles de Chelsea, de Liverpool, de Milan, ou encore le PSG. C’est une bonne façon d’attirer l’attention des étrangers sur notre ville, des touristes, mais également des entreprises et des investisseurs. Mais nous investissons aussi dans les autres sports : Charlotte va notamment accueillir l’All-Star Game (Match des étoiles) de la NBA en 2017.