The Good Business
Pour ce numéro, ils sont cariocas, ils ont des têtes bien faites, des idées originales qui font bouger les lignes et des convictions qui changent souvent la donne…
L’envol confirmé de la présidente de TAM Airlines
Claudia Sender
Cette non‑spécialiste de l’aéronautique confirme sa montée en puissance dans le cockpit de TAM Airlines, première compagnie brésilienne intégrée au sein de Latam Airlines, une holding qui fait jeu égal avec les plus grands groupes aéronautiques du monde : 135 destinations, 22 pays et une flotte de 317 appareils en 2015. Nul besoin, pour cette experte en marketing et planification stratégique de 40 ans, passée sur les bancs d’Harvard avant d’accrocher la vice‑présidence de Whirpool Amérique latine, de savoir piloter un Boeing 777 pour saisir les arcanes du « good flight » version Brasil. Rien ne semble pouvoir freiner les ardeurs expansionnistes de Claudia Sender, qui accentue sa percée à l’international quand la crise la contraint à réduire la voilure sur le marché intérieur brésilien. Ainsi de ce hub ouvert dans le Nordeste : « Il permettra d’augmenter le nombre des destinations desservies en Europe tout en renforçant notre position de leader en Amérique latine. » Et de confirmer le déploiement de son A350 entre São Paulo et Miami, tout en opérant un Boeing Plane of Dreams aux couleurs de Disney. Une première en Amérique latine.
Le dieu des maths en tongs méga‑cool
Artur Avila
Ce génie franco‑brésilien fait des maths en courant sur les plages de Rio, donne ses interviews en tee‑shirt et tongs, et n’a consenti à s’acheter un costume que pour s’en aller recevoir, en 2014, la récompense suprême dont il rêvait pour ne plus y penser : « la » médaille Fields de maths. Son sujet d’étude, les systèmes dynamiques et leur imprévisibilité liée au chaos, mettent hors concours plus d’un scientifique de renom. Artur Avila muscle ses neurones comme il respire, depuis toujours. Tout petit, au Brésil, il s’amusait à faire des opérations « avec plein de zéros ». A 22 ans, le médaillé d’or aux Olympiades internationales de mathématiques de Toronto (à 16 ans) entre au Collège de France. Sept ans plus tard, il devient le plus jeune directeur de recherche du CNRS. Le génie a ses faiblesses : trop distrait pour conduire une voiture ; trop véloce, à l’oral, pour s’astreindre à coucher sur le papier le fruit de solutions qu’il tarde parfois à retranscrire… Ce qui le motive, dans les maths, c’est leur poésie. « Je suis un mathématicien pur, dit-il avec son sourire de surfeur. Les applications des maths m’intéressent moins que leur beauté particulière. » A méditer.
Le chef d’orchestre du commerce mondial
Roberto Azevêdo
C’est une vraie leçon de diplomatie que ce pugnace diplomate brésilien de 58 ans, fièrement installé dans le fauteuil convoité – mais peu confortable – de l’Organisation mondiale du commerce donne à son propre pays, le Brésil, si souvent critiqué pour ses positions protectionnistes : se poser en défenseur de la libéralisation mondiale du commerce. Marié à une diplomate et père de deux filles, Roberto Azevêdo est le premier dirigeant de l’OMC issu de l’un des grands pays émergents. Ancien représentant permanent du Brésil auprès de l’OMS à Genève (2008-2012), ce libéral toutefois modéré, que l’on dit patient et expérimenté, a pour ambition de redonner tout son lustre à cette instance internationale en quête de crédibilité, lui qui plaide en faveur de la mondialisation d’accords commerciaux dont il déplore la portée souvent trop régionale. Et de réclamer une plus grande vision stratégique pour cette instance, dont le processus de négociation est en panne, le big boss du commerce mondial n’étant guère armé pour forcer les 161 pays membres de l’OMC à trouver des accords. « Si je pointe du doigt certains pays, lançait récemment cet optimiste résolu, je suis mort ! »
La figure de proue d’Havaianas
Carla Schmitzberger
C’est sans doute la seule dirigeante, dans ce Brésil en crise, à pouvoir se targuer d’avoir le monde à ses pieds ! Carla Schmitzberger est la CEO monde d’Havaianas, la signature de ces fameuses tongs aux couleurs du Brésil, qui impriment désormais leurs semelles de caoutchouc sur le sable de Copacabana comme sur celui de la Croisette ou de la baie de San Diego. Des tongs chic presque aussi emblématiques que le ballon rond et la caïpirinha, et qui font un sprint sur le marché mondial des chaussures de plage : plus de 230 M de paires vendues dans 60 pays. La double origine australo‑brésilienne et la passion du marketing ont propulsé cette ingénieur chimiste (diplômée de l’université Cornell) à travers le monde, pour Procter & Gamble, Johnson & Johnson, Citibank et, depuis 2006, pour la société Alpartagas (propriétaire d’Havaianas), dont elle dirige la division sandales. Souriante, hâlée, sportive – la mer est son paradis ! –, Carla Schmitzberger déclare aimer… la simplicité. Comme le « simple » bilan d’Havaianas, sous sa gouverne : « un chiffre d’affaires qui a plus que triplé, des ventes à l’international qui ont bondi de 13 à 27 % ».
L’as des as de l’immobilier commercial
José Isaac Peres
Ce milliardaire de 73 ans détient 31 % de Multiplan (dont il est aujourd’hui le CEO), un empire immobilier devenu le plus grand promoteur de centres commerciaux au Brésil, et dont l’action a plus que doublé depuis son offre publique initiale de 2007, le groupe étant aujourd’hui valorisé à environ 4,4 Mds $. Tout a commencé en 1963, quand le jeune diplômé de la faculté d’économie de l’université de Rio crée Veplan, sa toute première société de promotion immobilière. Trois ans plus tard, Jose Isaac Peres fait émerger son projet Cidade, dans le centre‑ville de Rio, dont les appartements se vendront en quelques jours ! En 1971, Veplan fait son entrée à la Bourse de Rio pour monter en puissance et accélérer le développement de centres commerciaux. José Isaac Peres cède alors ses actions, fonde Multiplan et pose ses jalons à Belo Horizonte, São Paulo, Brasília, sans oublier Rio, via le fameux centre d’affaires BarraShopping, aux allures de perle de Dubaï. Depuis, le CEO bâtisseur n’a eu de cesse d’étendre son portefeuille à l’international, pour, dit‑il, « propager le succès de Multiplan dans le monde entier ».
L’instigateur de la méritocratie
Aldemire Bendine
Il s’est installé à la barre d’un paquebot qui menaçait de sombrer : Petrobras, l’ex‑fleuron industriel du Brésil qui, voilà quelques années, sonnait comme un hymne à la réussite du plus pimpant des pays émergents. Un double mal ronge aujourd’hui la grande compagnie pétrolière : elle se retrouve happée dans un scandale de corruption propre à la décrédibiliser, alors que l’effondrement des cours du baril de brut constitue une menace pour sa stratégie de production en eaux profondes. A peine cet ancien banquier – il fut le patron du Banco do Brasil –, étranger au monde du pétrole, a‑t‑il pris ses fonctions en 2015, que les marchés ont salué son arrivée aux affaires par un plongeon de l’action Petrobras à la Bourse de São Paulo ! Bien décidé à s’exprimer en sauveur avisé, le DG ne se contente pas d’une saignée dans les effectifs du géant pétrolier – 30% des cadres supérieurs limogés (ils étaient… 5 300 !) –, et d’alléger son plan d’investissement de 32 Mds $ d’ici à 2019, mais entend instiller dans les rouages de ce bunker rodé aux nominations politiques une valeur nouvelle, au Brésil, en matière de gouvernance : la « méritocratie ». Une vraie révolution.
Le Goldman Sachs du Brésil
Jorge Paulo Lemann
Il écarte de sa vue tout ce qui ne le place pas dans le top 10 d’un classement mondial. Ainsi le brillant champion brésilien a‑t‑il délaissé les tournois de Wimbledon et de la Coupe Davis (auxquels il a participé dans les années 60) quand il a vu s’évanouir ses rêves de grand chelem, de même qu’il a préféré surfer sur la haute finance, après un passage agité sur les bancs d’Harvard, plutôt que sur les vagues de la baie de Rio où il a dompté ses premiers rouleaux. De nationalités brésilienne et suisse, Jorge Paulo Lemann, qui porte beau ses 75 printemps, est aujourd’hui à la tête d’un fonds d’investissement « 3 G » aussi discret que tout puissant. Magnat taiseux, mais non moins adulé par les loups de Wall Street, de Bill Ackman à Warren Buffett, ascète nourri aux fruits secs et à la salade verte, l’homme le plus riche du Brésil (deux mariages, cinq enfants) s’affirme pourtant en vrai glouton du business agroalimentaire. Burger King, Heinz (en partenariat avec Warren Buffett), les cafés Maxwell, entre autres, sont déjà tombés dans son assiette. Et, selon la journaliste brésilienne Cristiane Correa, sa prochaine conquête pourrait bien s’appeler… Coca‑Cola.