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Après quinze ans d’absence forcée sur les marchés financiers en raison d’une dette avoisinant les 100 milliards de dollars, l’Argentine opère ces jours-ci un retour fulgurant. L’objectif fixé par le président Mauricio Macri de lever 12,5 milliards de dollars a été très largement dépassé. Un rebond plutôt surprenant qui recouvre cependant son lot d’incertitudes.
A la tête de la présidence argentine depuis décembre 2015, le libéral Mauricio Macri vient de mettre un terme à une longue crise autour de la dette du pays. Comment ? En acceptant de s’asseoir à la table des négociations en compagnie des différents créanciers. Pour mieux comprendre ce processus complexe, petit retour historique.
Quinze ans de négociations
En décembre 2001, Fernando De La Rua, alors président, déclare l’Argentine en défaut de paiement à hauteur de 100 milliards de dollars. Coup dur pour la nation, abasourdie à la veille de Noël. Les réactions populaires ne tardent pas : le palais présidentiel est assailli de manifestants en colère. Ni une ni deux, le valeureux Fernando De La Rua s’enfuit en hélicoptère… Dans les mois qui suivent, les conséquences économiques sont bien évidement désastreuses : chômage en nette augmentation, dévaluation de la monnaie et instabilité politique sèment le chaos.
A cette période, pas moins de cinq présidents se succèdent, mais c’est finalement Nestor Kirchner, étiqueté justicialiste (PJ), qui prend les rênes du pays. Sous son mandat, le chômage passera de plus de 20% à 9 %, faisant de lui le président qui a sorti son pays d’une crise de l’emploi durable. Cependant, mis à part le FMI, aucun des créanciers n’est remboursé.
C’est alors qu’entrent en jeu les fonds spéculatifs (également appelés « fonds vautours » en référence à la brutalité de leur fonctionnement) qui se ruent sur les titres de dette de l’Argentine, dont les prix sont cassés. En 2007, Cristina Kirchner prend la place de son mari à la présidence. Durant ses deux mandats, elle essaiera de mettre fin au litige moyennant le paiement à 93 % des créanciers dans des conditions pas trop défavorables financièrement pour son pays. Restent donc 7%, qui appartiennent aux fameux fonds vautours qui ont refusé cet accord. Face à ces créanciers réfractaires, Cristina Kirchner s’oppose à toute négociation et fait même signer deux lois pour l’interdire à ses successeurs.
D’où provient la dette de 100 milliards de dollars ?
La majeure partie de cette banqueroute était issue de dettes privées qui furent étatisées dans les années 1990. Hormis le fait que le Trésor public argentin n’avait pas la possibilité de payer une telle somme, c’était également pour des raisons « éthiques » que les Kirchner ne voulaient pas payer. C’est en tout cas le discours qui était alors porté par le gouvernement…
Fin 2015, Mauricio Macri accède à la présidence. Ce libéral fait du remboursement de la dette argentine sa priorité. Il choisit de s’attabler avec les fonds d’investissement et enterre d’une traite la politique protectionniste de Kirchner. Un accord ne tarde pas à émerger : l’Argentine devra rembourser 75 % de la valeur nominale de ses obligations. Pour ce faire, 12 à 15 milliards de dollars devront être levés pour rembourser les fonds vautours, américains pour la plupart.
L’Argentine a choisi d’émettre des bons d’obligations à plusieurs échéances (trois, cinq, dix et trente ans), dont les taux varient selon la durée entre 6,75 % et 8,6 %. Les attentes de Macri ont été largement dépassées, puisque c’est soixante-huit milliards de dollars d’ordres qui ont finalement été levés.
Résultat immédiat : l’agence de notation Moody’s remonte la note du pays d’un cran, ce qui tend à redonner confiance aux investisseurs étrangers et l’Argentine peut faire son grand retour sur les marchés de capitaux. Cependant, la prudence reste de mise car, même si le trop-plein de liquidités engendré par ces investissements profiterait — théoriquement — au pays, le phénomène pourrait rapidement se retourner contre le pays si il ne parvenait pas à gérer cette nouvelle dette.
« Retour au monde » ?
S’il semble que la nouvelle soit présentée comme positive par la plupart des médias économiques, il est nécessaire de la nuancer. L’expression « retour sur les marchés financier internationaux » est trompeuse car elle suppose que l’Argentine fonctionnait jusqu’ici en autarcie, ce qui est loin d’être le cas. En effet, les dollars ont toujours afflué en Argentine via d’autres canaux, notamment l’exportation de soja.
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