The Good Business
Fondateur à Montpellier et à New York d’une double start-up, Medtech, dont le robot Rosa assiste et bouleverse les techniques de la chirurgie crânienne, Bertin Nahum se place quatrième créatif le plus révolutionnaire de la planète selon le magazine scientifique canadien Discovery Series. Un titre ronflant qui n’est rien en comparaison du réel savoir-faire de cet ingénieur français d’origine béninoise, admis à franchir les bastions les plus fermés de la neurochirurgie mondiale.
Il parle business comme un économiste, robotique, en ingénieur spécialiste, et protocoles thérapeutiques, avec l’aisance d’une sommité du corps médical. La réussite de Bertin Nahum tient plus de l’hypercompétence que du simple coup de poker. Si cet entrepreneur maestro de 44 ans, ingénieur diplômé de l’Institut national des sciences appliquées (INSA) de Lyon, joue désormais dans la cour des grands, c’est parce qu’il domine sa partition de A à Z. « Ce n’est pas un hasard si nous ne sommes que six entreprises dans le monde à batailler sur ce marché au potentiel incroyable, observe-t-il. S’imposer dans un univers aussi pointu ne procède pas d’un talent visionnaire, mais d’une longue et rare expérience. C’est sur cette rareté-là que nous capitalisons. Ceux qui s’y aventurent “juste pour y être” et faire du chiffre restent à la porte des hôpitaux. Le couperet, dans notre sphère, c’est le bloc opératoire. » On sent vibrer, sous la stature confortable de cet homme souriant et courtois, une détermination, une opiniâtreté propre à bannir « l’à-peu-près » de son parcours, sans faute, certes, mais néanmoins jalonné de portes closes – celles des banquiers et des investisseurs – et de rebonds mouillés de sueurs froides. Peu importe. Aujourd’hui, son challenge, il le tient. Rosa, son robot commercialisé depuis 2008, révolutionne l’une des chirurgies les plus complexes, celle du cerveau. Placé entre les mains des plus grands praticiens, il permet de remplacer les interventions à crâne ouvert par des procédures mini-invasives accessibles aux patients pharmacorésistants. Il rend possible la chirurgie crânienne des nourrissons, inopérables par les techniques traditionnelles ; il réduit – et parfois éradique –, via l’implantation ultraprécise d’électrodes dans le cerveau, les tremblements liés à la maladie de Parkinson. Il permet aussi d’identifier, chez les enfants sujets aux crises d’épilepsie, la zone du cerveau précisément responsable de ces crises.
Cette chirurgie d’avant-garde a un coût : 300 000 euros le robot, qui totalise déjà plus de 700 opérations à son actif, en Europe, mais aussi sur le continent américain, au Moyen-Orient et en Chine. L’inventeur insiste sur ce point : le succès de Rosa ne s’appuie pas seulement sur sa performance technologique, il la doit aussi à son aptitude à intégrer en souplesse les exigences et les méthodes de ses utilisateurs chevronnés. « Ma compétence et celle de mon équipe reposent sur des centaines d’heures en salle d’opération aux côtés des meilleurs chirurgiens, ouverts aux nouvelles technologies, plus motivés par le progrès médical que par un souci de rentabilité immédiate. En France, j’ai eu l’honneur de travailler aux côtés du professeur Benabid, cet inventeur de la chirurgie du Parkinson plusieurs fois nobélisable, tout comme avec l’élite chirurgicale de la prestigieuse clinique américaine de Cleveland. Mais attention : on n’opère pas de la même manière à Paris et à New York. Et un robot qui n’intéresserait que dix chirurgiens dans le monde ne présente aucun intérêt ! »
Un expert en chirurgie robotisée
Et le « professeur » Nahum d’accentuer sa plongée dans les profondeurs de son métier hybride d’entrepreneur-ingénieur expert de l’assistance chirurgicale robotisée. « Notre machine est conçue pour tenir compte des tendances, des écoles de chirurgie. En France, en Italie, et, dans une moindre mesure, en Amérique latine, c’est l’école du professeur Talairach (créateur, dans les années 50, de l’école française de neurochirurgie) qui prédomine ; tandis que d’autres préceptes tiennent lieu de guide aux chirurgiens américains. En ce qui concerne l’épilepsie, par exemple, la chirurgie française traditionnelle prône une technique efficace mais contraignante, tandis que la chirurgie américaine se montre plus imprécise, mais moins lourde. Le robot s’adapte à l’une comme à l’autre. Deux visions différentes, un seul robot : Rosa ! »