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Palihouse, Santa Monica
Avant d’être repris par Paligroup, l’établissement, de style arabo-méditerranéen, était déjà un hôtel : the Embassy Hotel Apartments. A l’époque, Santa Monica était un lieu de villégiature à l’écart des ragots dont bruissait Hollywood.
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The Good Hideaways : #1 Le Palihouse de Santa Monica, « The » good address

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Du style arabo-méditerranéen au style moderniste des fifties, le Palihouse multiplie les références et a inventé un concept d’hôtellerie qui n’existait pas encore à Los Angeles, encore moins à Santa Monica. The Good Life adore !

Une touche hispanisante, d’autres de styles mudéjar, victorien, fifties, moderniste, méditerranéen et quaker ; le tout avec un peu d’acide… Ça donne ? Un hôtel new style qui réinvente Santa Monica en mode bobo ma non troppo. Un hôtel new style qui prend la suite, en 2013, d’un autre, The Embassy Hotel Apartments. Installé dans un immeuble construit en 1927 et signé par ­Arthur E. ­Harvey, l’hôtel connut quelques années de gloire à l’époque où Santa Monica n’était pas « intégrée » à la mégapole et était encore un lieu de villégiature, mais s’était assoupie.

Jusqu’à ce qu’Avi Brosh, fondateur du très trendy ­Paligroup, ne le sorte de sa torpeur et en fasse de nouveau un good spot. Rupture dans la continuité, en somme. Un chien en porcelaine, un trophée de chasse, une nature morte mise sous cloche, trois ou quatre canapés Chesterfield XXL, deux ou trois bergères tapissées de velours moutarde, des banquettes vert olive, une gigantesque table très « Downton Abbey », quelques coussins overkitsch, des murs canard, une cheminée géante (on fait du feu à L.A. ?), des vitraux, des fenêtres en ogive : bienvenue dans le grand salon du ­Palihouse de Santa Monica.

Un peu de Citizen Kane d’Orson Welles, puis de Sunset Boulevard de Billy Wilder et de Rebecca d’Alfred Hitchock (son premier film américain), mais en couleur, et une once de Pulp Fiction de Quentin Tarantino… C’est un âge d’or hollywoodien fantasmé, idéalisé, mâtiné de contre-culture et, surtout, parfaitement packagé. En petites touches discrètes et carrément habiles, on retrouve même quelques éléments typiquement modernistes.

Banquettes de bistro en velours olive, table de retour de chasse, meubles quakers, bergères capitonnées et natures mortes : un vrai melting-pot décoratif.
Banquettes de bistro en velours olive, table de retour de chasse, meubles quakers, bergères capitonnées et natures mortes : un vrai melting-pot décoratif. DR

L’équipe d’Avi Brosh rend hommage à Los Angeles avec ce melting-pot décoratif qui se révèle être tout à fait à l’image de ses guests. Ici, dans ce grand salon qui sert de lobby et de réception, on s’avachit pour lire un bouquin, on boit un café, on grignote un cookie, selon les heures on y petit-­déjeune, on y lunche, on y boit un long drink, on s’y retrouve en bande, on y attend sa moitié d’orange, on y donne même des rendez-vous business.

Esprit maison de famille : ça rentre, ça sort, ça vient du petit patio intérieur, ça descend des étages, ça échange quelques bons plans, une ou deux bonnes adresses. Dans un mood très bon enfant. On est ici entre-soi, inutile de la ramener. Low profile : c’est l’anti-­SLS. Étonnant pour une ville où les stars et wannabe (et les has been aussi) aiment parfois jouer la surenchère. Mais on est bien loin de l’esprit de West Hollywood et de Beverly Hills. A Santa Monica, tout comme à Venice, juste à côté, c’est la nouvelle économie qui domine. On préfère le yoga ou les balades à vélo aux virées shopping sur Rodeo Drive.

Distinction cool
Le personnel, en chino retroussé sur des baskets blanches, porté avec un blazer marine orné d’un écusson, est raccord avec la philosophie du lieu : efficace, prévenant, mais a minima, amical sans être familier pour autant, pouvant cultiver une certaine ironie, mais sans jamais être déplacé. Il s’installe même parfois autour de la grande table pour une pause lunch, au milieu des guests… Ou l’éloge de la convivialité, donc. Mais ne nous y trompons pas, on est bien en Californie : cool, certes, mais business, still business. Couloir sombre souligné de boiseries très années 30 et portes de bois foncé. Un zest de Shining de Stanley Kubrick. La chambre 209 ressemble à un véritable petit appartement.

Peu de mobilier, mais parfaitement choisi : un canapé aux lignes fifties, un pouf rose shocking, une table basse en bois clair, une tête de lit (king-size, of course) capitonnée, des papiers peints qui revisitent avec beaucoup de drôle­rie l’esprit toile de Jouy signés par Abnormals Anonymous, un téléphone qui la joue vintage, un ou deux accessoires qui apportent une touche d’humour, un trophée de chasse (encore), pas mal de velours, un éclairage parcimonieux mais justement pensé… On découvre une cuisine entièrement équipée et même fournie en produits de première nécessité beaux et bio (forcément), un espace imaginé pour prendre ses repas, un dressing XXL, une salle de bains très maison de famille : on pourrait s’installer pour un long séjour. Certains ne s’en privent d’ailleurs pas et étaient, dit-on, déjà résidents au temps de l’Embassy…

Les papiers peints pleins d’humour et éco-friendly signés Abnormals Anonymous mettent en valeur un mobilier allant du style victorien au style moderniste.
Les papiers peints pleins d’humour et éco-friendly signés Abnormals Anonymous mettent en valeur un mobilier allant du style victorien au style moderniste. DR

Très cosmopolitan chic, le style des studios, de une ou deux chambres, est nettement moins marqué qu’au rez-de-chaussée, beaucoup plus consensuel. Une drôle de sonnerie retentit ; un peu interloqué, on met du temps à identifier la source… Le téléphone vintage n’est pas là que pour la déco : il fonctionne ! Le réceptionniste souhaite s’assurer que notre installation se passe bien et que nous n’avons besoin de rien. Cool, certes, mais hospitality is not a joke : derrière ce sourire nonchalant se cache une attitude ultraprofessionnelle et très attentive. Même s’il n’en affiche pas les codes, un Palihouse est un hôtel de luxe. A seulement trois blocs de la plage, trois ou quatre de la zone piétonnière de la 3e Rue (qui se révélera finalement bien décevante) et deux ou trois du Montana Boulevard (qui se montrera bien plus intéressant qu’annoncé), on est bien à l’épicentre du Santa Monica bobo-hipsterisé. Quelques boutiques rigolotes, des restaurants qui valent le déplacement… Allez, zou ! Fi du jet lag : on file.

Ambitieux, on met même Abbot Kinney Boulevard, à Venice, en ligne de mire. Des vélos blancs et vraiment chic sont mis à la disposition des hôtes et sont sagement alignés. A 25 dollars la sortie : cool, certes, mais money, still money. A peu près trois fois plus que ce qu’il en coûterait avec Uber pour un aller-­retour Palihouse – Abbot Kinney… Mais le vélo est tellement plus raccord. Et il sera un signe de reconnaissance – « nous aussi, nous en sommes » – lorsque nous croiserons un petit groupe d’amis près de Muscle Beach, un duo désespéré d’obtenir une table chez Gjelina, un autre un peu perdu dans l’une de ces larges avenues résidentielles un peu ennuyeuses et bordées de palmiers où sont sagement alignés des bungalows très middle class sans grand intérêt architectural…

Dans le grand salon : un bar néovictorien avec tabourets capitonnés. On y sert le petit déjeuner, une tasse de café, une douceur pour le goûter et quelques long drinks, healthy… ou pas.
Dans le grand salon : un bar néovictorien avec tabourets capitonnés. On y sert le petit déjeuner, une tasse de café, une douceur pour le goûter et quelques long drinks, healthy… ou pas. DR

Quand la nuit tombe, l’ambiance du grand salon est presque mystérieuse. Éclairage très tamisé et feu dans la cheminée (si on fait bien du feu en Californie, c’est du faux… au gaz !) rendent le canard des murs presque encre, l’olive des velours presque émeraude. Et les natures mortes encore plus mortes… Un verre avec nos nouveaux amis, et on vient nous rappeler à l’ordre : une table a été réservée dans l’une des adresses conseillées par l’appli maison Palifornia. Cool, certes, mais time is time. On obtempère. On ira avec Uber, cette fois.

Ni boutique-hôtel, ni guest-house, ni même hôtel de luxe, ce Palihouse, bien que faisant référence, très discrètement et très habilement, aux plus belles adresses de Los Angeles, celles qui ont bâti sa légende – on pense inévitablement au Château Marmont, mais aussi au Roosevelt –, ne ressemble à aucune autre adresse du genre. Les partis pris déco lui donnent effectivement une âme très particulière, mais il s’agit d’autre chose : Avi Brosh a bien inventé une nouvelle hôtellerie. Cool, certes, mais ­so efficient. Tout ce qu’on aime chez The Good Life.

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